MAIS 68...

Publié le par Un vautour

 

 

 
Qui mieux qu'un psy peut dire n'importe quoi sur mai 68, Sarkozy et les autres ? Interview de Jean Tassepix, psy donc.


Pour vous il ne peut pas y avoir de reproduction de mai 68. Pourquoi ?


Parce que mai 68 s'inscrivait dans une historicité psychologique. Pour résumer, on se souvenait de mai 67 et on envisageait mai 69, année érotique. Et je ne cite pas au hasard la chanson de Gainsbourg : Au sens propre, il y avait quelque chose là qui était de l'ordre de l'érotisation de l'Histoire. On était en gros dans un cadre oedipien. Je ne parle pas de la substance ontologique de mai 68, trop riche, trop diverse mais de la représentation qu'il était, qu'il est possible d'en avoir et qui fait de ce moment une réalité sociale descriptible, un produit historique avec des figures et des épisodes clairement repérables. Contrairement à ce que l'on croit, on était dans une forme d'organisation du désir, de la prise en compte du « ça », donc de la reconnaissance des motions pulsionnelles. L'injonction « jouissez sans entraves », le fait de nommer le désir même si c'est pour en affirmer la primauté absolue, c'est déjà de la mise en ordre. L'érotisation, c'est du devenir adulte, de la prise en charge du réel.



Mais les médias et les hommes politiques ne cessent de nous dire qu'il faut prendre en compte le réel...


A la radio, j'ai entendu récemment un lapsus d'un journaliste : « la chute de personnalité » de Nicolas Sarkozy au lieu de sa chute de « popularité », la « destruction de la statue intérieure » aurait dit Lacan.... Même les journalistes voient ça... C'est dire.. Et cette phrase devait introduire une interview de Patrick Devidjan. Et Patrick Devidjan a prononcé au moins trois fois le mot « fantasme ». Pour dire qu'il faut « Tuer les fantasmes ». Et quand le fantasme surgit dans le discours comme ça, au milieu des mots d'un homme politique à plusieurs reprises, c'est signifiant, ça tente de nommer de l'innomable. Ca veut dire que quelque chose « gratte » derrière. Et les hommes politiques ne sont pas absents ou en surplomb d'un espace psychosocial. La différence avec « M. tout le monde » c'est qu'ils sont à la fois en amont et en aval de la machine à produire du symptome. Ils sont, dans le même mouvement, producteurs et consommateurs de symptome.


Oui, mais il y a quand même ce qu'on appelle la Démocratie...


Je crains que la Démocratie soit devenue une représentation et non plus une composante de la réalité... Les Français ont élu une maladie mentale. La pathologie de Sarkozy, qu'il soit bipolaire ou pervers, n'est pas un problème en soi. Ce n'est pas la première fois qu'un peuple est gouverné par un malade. C'est même une constante, une constante qui est celle du passage à l'acte : « je » fantasme une forme de toute puissance, d'accord, tout le monde, tous les enfants fantasment ça, mais la mise en acte de ce fantasme, ça c'est du pathologique donc du politique. Entendons nous bien : du pathologique socialement acceptable, voire utile et structurant à l'échelle d'une société. L'organisation sociale repose sur une somme énorme d'interdits mais ce qui fait la dynamique d'une société ce sont les passages à l'acte, toutes ces petites transgressions quotidiennes.


Quoi de nouveau avec Sarkozy alors ?


Et bien je crois que les Français ont non seulement élu une maladie mentale mais qu'ils l'ont élue en toute connaissance de cause. Et c'est ça le gros problème : L'élection de Nicolas Sarkozy est un passage à l'acte collectif, la preuve d'une société qui se sent borderline et qui jouit de ce funanbulisme. Et non pas une jouissance qui serait du côté de l'Eros, comme en 68, mais bien du côté de Thanatos, mortifère.


A priori donc les conditions semblent réunies pour une révolte...


Non. Car on est dans une autre temporalité. On est dans du pré-oedipien, du pré-historique, pire dans de l'anhistorique. On est aux portes de la psychose. Ce qui suinte là, à travers chaque pore de la société c'est du psychotique. Si révolte il y a, si se réalise un mouvement « populaire » (et j'exige les guillemets ), il sera, par essence, morbide et auto-destructeur. Car, quand on commence à croire qu'il est possible d'obéir à des injonctions contradictoires, qu'il est possible d'être à la fois noir, blanc et gris, pauvre et riche, de droite et de gauche, communiste et patron, il y a gros danger. Or, quand le Réel fait retour dans une structure pychotique, c'est dévastateur.


Concrètement ?


Prenons l'exemple d'un chômeur : il entend que le chômage baisse. Il en prend acte mais il sait que son chômage à lui ne baisse pas. Le chômage de ses amis, des gens qu'il connaît, non plus. La réaction logique, intellectuelle, politique serait qu'il dise : c'est un mensonge le chômage ne baisse pas : ma situation sociale, financière, professionnelle en est la preuve donc j'agis, je vote, je proteste en conséquence. Or ça ne se passe pas -ou plus- comme ça. La réalité discursive, politisée, médiatisée, et la réalité immédiatement perçue coexistent en contradiction, dans un inquiétant clivage que le corps socialaisé ne décorrobore plus.


Pourquoi ?


C'est la grande question. Je ne sais pas.


Quid de Bayrou ?


Bayrou, le Modem, c'est juste une tentative de domestiquer cette impasse psychotique. Un truc qui rassemble des gens qui fantasment à fond la caisse et qui ont peur d'un processus qu'ils ont eux-mêmes contribué à produire par leur inculture politique et leur doux narcissisme. Mais Royal c'est autre chose. C'est pire. C'est l'autre face du symptome sarkozien. J'ai été frappé pendant la campagne par sa déshumanisation volontaire, construite, ellaborée peu à peu, et vaguement sucidaire. Ses bourdes étaient, je crois, le résultat de cette mise en retrait d'elle-même au profit d'une posture qu'elle voulait, qu'elle veut encore croire, présidentielle ou plus précisément mitterrandienne. Et l'autosurveillance permanente à laquelle elle s'astreint, l'effort énorme pour maintenir le masque figé provoquent nécessairement le retour de l'inconscient donc du lapsus et de la gaffe. Mais plus profondément, il semble exister en elle une tension entre les deux origines du pouvoir : en tant que femme Politique, elle souhaite imposer une image matriarcale, une image de mère attentive et compatissante, sévère et juste. Mais à un niveau archaïque, elle a le sentiment de ne détenir le pouvoir que par délégation du Père. Et toute son histoire personelle, sur laquelle je ne reviendrai pas, en atteste. Tandis que Sarkozy détient le pouvoir de la Mère. Son « J'ai changé » n'existe que comme une métaphore de l'accouchement. C'est un homme qui veut sans cesse être réaccouché : il ne peut exister et se perpétuer que dans un un regard féminin, maïeutique. Pile l'inverse de Ségolène Royale qui rêve d'avoir été accouchée par une bite... Et ceci crée des liens secrets.... Entre deux... Entrent eux deux...


Pourquoi ?


Vous croyez qu'un psy a réponse à tout ? Si vous étiez capable de formuler d'autres questions je formulerais peut-être d'autres réponses. Continuez simplement à les observer et à vous demander s'il n'y a pas entre Sarkozy et Royal, une espèce de complicité souterraine, latente... Bref, on s'en contretamponne un peu le coquillard. Il y a, je crois, une option plus optimiste : la mise au pouvoir de Sarkozy est peut être comparable à une mise en mots, à une exteriorisation de la souffrance psychique. La logique auto-destructrice est mise à nu chez cet homme. Nul ne peut s'empêcher de la voir. Elle est même revendiquée. Il peut y avoir quelque chose de sacrificiel dans sa destinée : je crois que les Français savouraient à l'avance le plaisir qu'ils allaient éprouver à le haïr. Ils l'ont élu pour ça. En fait la question pourrait être « Sarko suffira-t-il ? ». Car, comme je l'ai dit la structure psychotique de la socité préexiste à l'élection de Sarkozy. La grande question est : La mise au pouvoir de Sarkozy est-il un pur acte auto-destructeur, comme les actes d'auto-mutilation chez les grands psychotiques ou bien l'embryon d'une reconstruction du Moi collectif fédéré autour de la détestation d'un homme: Laissons cet homme assumer ces réalités contradictoires puisqu'il les formule si bien. Et dépassons la contradiction en détruisant cet homme avant que nous ne nous détruisions nous-mêmes. Quoi qu'il en soit, il y aura de la souffrance. Je crains.



Merci docteur...


Appelez-moi « maître ». L'important n'est-il pas aujourd'hui de se faire « Maître » ?


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M
J'ai voté Sarkozy parce qu'il a les mêmes tics que mon ex-mari, qui s'est suicidé juste avant les élections. Il me battait et me violentait, et je crois que j'y avais pris goût. Je me rends compte maintenant, grâce à vos explications, que c'était une erreur. Pouvez-vous me donner les coordonnées du docteur Tassepix? Merci d'avance.
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